Tout d’abord, je dirais que le « bonheur » est un terme marketing et qu’il est pratiquement impossible d’être heureux « à plein temps », qu’il s’agisse du bonheur dans sa version hédoniste (joie intense) ou évaluative (satisfaction). Ce que nous devons chercher à optimiser, c’est notre bien-être subjectif, même si les chercheurs utilisent souvent tous ces termes de manière interchangeable.
Nous devons ensuite également faire la différence entre les composantes et les déterminants du bien-être subjectif. Selon la psychologie positive, ces composantes se retrouvent dans cinq grands domaines qui peuvent se décliner en autant de conseils pour être heureux :
1) travailler pour connaître des sources d’émotions positives ;
2) essayer de trouver autant de moments de flux que possible dans les différentes activités réalisées au cours de la journée ;
3) cultiver des relations qui ont un sens avec ceux qui nous entourent ;
4) essayer de faire une pause et de réfléchir au sens et au but de sa vie ; et
5) célébrer chacune de ses réalisations, depuis la plus petite.
Pour ce qui est des déterminants du bonheur, les recherches empiriques ont montré que le déterminant le plus important, outre le revenu, est le fait d’avoir un emploi stable. Selon la théorie de privation de Jahonda (1982), occuper un emploi stable remplit différentes fonctions psychologiques positives : existence d’une structure temporelle, établissement de contacts sociaux, participation à la réalisation d’un objectif collectif, statut et identité et activité régulière obligatoire.
Il est également intéressant de noter que, bien que la valeur du travail pour les individus soit restée stable au fil du temps, les travailleurs accordent de plus en plus d’importance aux aspects « sociaux » du travail, tels que la valeur réelle que leur emploi apporte à la société. Être sans emploi, gravement malade ou handicapé, vivre dans une dictature ou connaître de grandes inégalités de revenus sont pour leur part les facteurs qui nuisent le plus au bonheur des individus.
Comme vous l’avez dit, dans ce monde globalisé, marqué par des inégalités croissantes, des incertitudes sur le marché du travail, la polarisation politique, le changement climatique et l’augmentation des taux de divorce, il peut sembler difficile de réunir ces critères, mais par rapport à toute autre période de l’histoire, il est bon de se rappeler que nous n’avons jamais eu autant d’opportunités d’être heureux et d’être en mesure de créer un « art de vivre ».