Êtes-vous curieux de savoir comment vos choix financiers peuvent réellement contribuer à la lutte contre le changement climatique ? Voulez-vous découvrir les initiatives innovantes mises en place au Luxembourg pour promouvoir la finance durable ? Dans cette interview, Laetitia Hamon, Head of Sustainable Finance à la Bourse de Luxembourg, partage ses idées et expériences sur ce sujet crucial. Pour comprendre comment vous pouvez faire la différence et être un acteur du changement vers un avenir plus durable, lisez cet article.
Quelles sont les meilleures stratégies pour réduire le changement climatique et comment agir sur les questions sociales y relatives ?
Nous nous sommes entretenus avec les experts en durabilité Elorri Igos et Thomas Schaubroek du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), qui nous ont donné cinq conseils utiles sur la manière dont les entreprises peuvent gérer les risques environnementaux et sociaux dans leur chaîne de valeur.
1. Quelles sont les meilleures stratégies pour les entreprises qui font face au changement climatique ?
Aujourd'hui, toutes les entreprises sont directement ou indirectement touchées par le changement climatique, par exemple en raison d'une législation plus stricte, de perturbations potentielles de la chaîne d'approvisionnement dues à des sécheresses ou à d'autres événements extrêmes, ainsi que des attentes accrues des clients.
Pour définir leur stratégie, les entreprises doivent d'abord analyser leur situation actuelle, c'est-à-dire identifier l'exposition aux risques liés au changement climatique et quantifier leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Une analyse complète (c'est-à-dire qui englobe les émissions directes et indirectes de la chaîne d'approvisionnement ou de l'utilisation du produit) est nécessaire pour identifier les leviers d'action pertinents et anticiper les risques futurs.
Sur base de cette analyse initiale, des stratégies de décarbonisation, appuyées par des directives internationales, telles que l'initiative Science-Based Target, peuvent être définies, ce pour garantir que la stratégie de l'entreprise est alignée sur l'objectif mondial (maintenir l'augmentation de la température mondiale bien en deçà de 2°C conformément à l'accord de Paris) et repose sur des hypothèses scientifiques.
2. Comment les consommateurs peuvent-ils agir positivement pour la société en période de crise climatique ?
Les consommateurs contribuent directement au changement climatique dans leur vie quotidienne lorsqu'ils conduisent leur voiture classique (émissions de CO2 dues à la combustion de diesel ou d'essence) et lorsqu'ils chauffent leur maison (principalement en brûlant du gaz naturel ou du pétrole). En moyenne pour les résidents luxembourgeois, ces émissions directes représentent environ 4 tonnes de CO2 par an, soit plus d'un tiers de l'empreinte carbone totale. Les consommateurs peuvent donc limiter concrètement les GES en optant pour des modes de déplacement plus doux, en réduisant leur consommation de chaleur (par exemple en améliorant l'isolation ou en construisant des maisons plus petites) et en préconisant des sources de chauffage plus écologiques (par exemple une pompe à chaleur).
Les consommateurs disposent encore d’autres leviers d'action qui peuvent limiter indirectement les émissions de GES, comme réduire leur consommation de viande et de produits laitiers (émissions importantes dues à la digestion des animaux, à l'approvisionnement en aliments pour animaux ou à la gestion du fumier), éviter de prendre l'avion, repenser leurs besoins avant d'acheter ou privilégier l'occasion pour minimiser l'achat de nouveaux produits.
Enfin, les consommateurs sont également des citoyens et peuvent s'engager dans des actions de durabilité, par exemple en contribuant aux débats ou aux conférences sur le climat, en soutenant les ONG environnementales ou en votant pour des programmes environnementaux crédibles et ambitieux.
3. Quelle est la corrélation entre les questions sociales et le changement climatique ?
Le changement climatique frappe probablement plus durement les humains qui n'ont pas les moyens de se protéger contre ses effets météorologiques graves (inondations, vagues de chaleur), par exemple en ne disposant pas d'un logement, de soins de santé et d'une assurance adéquats, etc. Il révèle les inégalités sociales et pourrait accroître les problèmes sociaux, tant au niveau local que mondial. Cet effet est également renforcé par le fléchage de l'argent public vers des mesures destinées à remédier aux conséquences du changement climatique, au détriment de l'aide sociale.
Il est tout à fait possible d'allier questions sociales et mesures de limitation du changement climatique. Par exemple, le passage aux véhicules électriques et aux énergies renouvelables nécessite davantage de terres rares précieuses, dont l'extraction dans certaines régions peut être associée à de mauvaises conditions de travail ou à des droits restreints pour les travailleurs (en particulier le lithium et le cobalt). Il faut veiller à utiliser des minerais provenant de fournisseurs responsables et éthiques, et poursuivre les efforts pour améliorer les exigences sociales et environnementales minimales à l'échelle mondiale.
4. En ce qui concerne les questions sociales, comment les consommateurs et les entreprises peuvent-ils agir ?
De même que pour l'impact environnemental, tant les consommateurs que les entreprises peuvent agir par leurs choix.
Pour les consommateurs, cela se fera principalement par le biais de leur comportement de consommation, c'est-à-dire qu'ils choisiront d'acheter et quels produits en fonction des questions sociales qui leur sont liées, par exemple un risque élevé de travail des enfants le long de leur chaîne de valeur. Pourtant, de tels choix ne peuvent être faits que lorsque des informations ou des labels sont disponibles (par exemple, le commerce équitable), ce qui reste malheureusement rare.
Les entreprises peuvent agir en diffusant davantage d'informations thématiques et/ou en respectant un modèle commercial de responsabilité sociale des entreprises (RSE), mais aussi en adoptant des pratiques adéquates et en sélectionnant des matériaux/produits qui minimisent les problèmes sociaux.
Il y a un an environ, l'UE a publié une proposition de directive sur la diligence raisonnable en matière de développement durable des entreprises (DCDD), et certains États membres ont déjà adopté des règles nationales afin d'identifier et de prévenir les problèmes sociaux tout comme les problèmes environnementaux. Les entreprises pourraient déjà commencer à suivre ces directives.
5. Quels sont vos cinq conseils utiles aux entreprises pour mieux gérer les risques environnementaux et sociaux tout au long de leur chaîne de valeur ?
Les 5 conseils utiles :
1. Analyser la situation actuelle : sur la base d'une expertise interne ou externe, évaluer les risques environnementaux et sociaux de la chaîne de valeur (par exemple, la dépendance aux ressources fossiles, les matériaux critiques, les régions critiques) et le niveau de maturité pour y faire face.
2. Définir une stratégie alignée sur les normes et les directives les plus récentes : les directives à venir, telles que celle relative à la diligence raisonnable en matière de développement durable des entreprises de la Commission européenne, doivent être prises en compte pour anticiper de futures contraintes législatives.
3. Identifier les leviers d'action au sein de vos activités : ils peuvent comprendre la réduction de la consommation d'énergie, des procédures en matière de santé et de sécurité ou encore des incitations à la mobilité douce compatibles avec de bonnes conditions de travail.
4. Envisager des critères de durabilité pour les achats et les investissements : préconiser les produits labellisés mais vérifier la compréhensibilité des critères et leurs moyens de vérification et de contrôle. Créer des critères d'approvisionnement auxquels les fournisseurs doivent se conformer.
5. Repenser son modèle économique : la durabilité des produits et services augmentera la résilience de l'entreprise, par exemple au travers du raccourcissement du transport vers les clients, de l'efficacité énergétique de l'utilisation, de la durabilité, de la réparabilité, de la sécurité des consommateurs, de l'impact sur la population locale…
À propos du blog :
Il devient urgent d’opérer une transition rapide vers une durabilité environnementale à l’échelle mondiale. Les entreprises et l'industrie ont d'énormes impacts sociaux et environnementaux. « Pourquoi est-ce important ? » est un blog bimensuel qui vise à éclaircir ce sujet important à travers le regard de nos experts.
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