Thorunn Egilsdottir
Corporate Communication Manager
31 mai 2024

Les droits de l’Homme et comment les faire progresser avec des pratiques bancaires responsables

Dans cette interview, Mariana Ruiz, spécialiste senior du développement social à la Banque européenne d’investissement, nous explique comment les banques peuvent promouvoir la justice sociale en intégrant les considérations relatives aux droits humains dans leurs pratiques de prêt et leurs décisions d’investissement. Ne manquez pas les cinq conseils utiles de Mariana pour faire des choix éclairés qui cadrent avec vos principes en matière de droits humains.

1. Comment les banques peuvent-elles intégrer les considérations relatives aux droits humains dans leurs pratiques de prêt et leurs décisions d’investissement pour promouvoir la justice sociale et l’égalité ?

La plupart des institutions financières ont pris des engagements explicites en faveur du respect des droits humains, souvent dans le cadre de politiques de durabilité ou de protection des droits humains dans les entreprises. Ces engagements couvrent leurs activités internes, comme celles liées à leur personnel (non-discrimination à l’emploi, etc.) et au personnel de leurs fournisseurs (conditions d’emploi des prestataires de services de restauration ou de nettoyage, etc.). Ils doivent également couvrir les droits des personnes concernées par les activités de prêt des banques. Pour concrétiser ces engagements, une bonne pratique au sein des banques consiste à définir des normes minimales que les projets doivent respecter pour être éligibles au financement. C’est ce que l’on appelle des garanties environnementales et sociales. Ces garanties doivent être intégrées aux processus décisionnels des banques. En d’autres termes, lorsqu’elle décide de financer un projet, une banque ne doit pas uniquement tenir compte de la capacité du demandeur à rembourser le prêt. Elle doit également tenir compte de sa capacité à identifier, évaluer, prévenir, atténuer et même remédier aux impacts négatifs des travailleurs et de la communauté environnante sur l’environnement ou les droits humains.

2. Quel rôle les institutions financières jouent-elles dans la promotion des droits humains lorsqu’elles garantissent des pratiques de travail équitables et soutiennent les populations marginalisées ?

En interne, les banques doivent adopter de bonnes pratiques de travail qui promeuvent la diversité et l’égalité et accorder une attention particulière aux problèmes de travail connus dans le secteur, en lien par exemple avec les heures de travail excessives ou la santé mentale. Elles peuvent aussi montrer l'exemple. Pour promouvoir l’égalité des sexes, elles devraient encourager le leadership féminin. Au sein du Groupe BEI, nous sommes fiers d'avoir une femme présidente, une femme secrétaire générale et une femme directrice générale du Fonds européen d'investissement.

Lorsqu’elles décident de prêter à une entreprise ou à un projet, les banques doivent tenir compte du portefeuille du demandeur et déterminer si les politiques et pratiques de travail sont conformes aux normes et valeurs européennes. Il leur faut rechercher toute information (auprès des autorités compétentes en matière d’emploi, des syndicats ou des médias, par exemple) susceptibles de témoigner de pratiques de travail contraires à l’éthique.

Les banques peuvent également contractuellement exiger des clients qu’ils appliquent de bonnes pratiques et qu’ils respectent les normes en usage jusqu’au remboursement du prêt. En cas de manquement, il peut être fait appel aux mécanismes de responsabilité des banques.

Enfin, les banques peuvent soutenir activement certains groupes, comme les femmes, les personnes LGBTQI+, les personnes en situation de handicap ou les populations marginalisées. Elles peuvent cibler les entrepreneurs au sein de ces groupes en leur proposant des gammes de produits spécifiques, ou des entreprises qui ne ménagent pas leurs efforts pour promouvoir leur inclusion.

3. De quelle manière les banques peuvent-elles tirer parti de la technologie et de l’analyse des données pour surveiller et prévenir les risques d’atteintes aux droits humains dans leurs opérations et leurs chaînes d’approvisionnement ?

Avec l’avancée de l’IA, les banques commencent à travailler sur l’utilisation de ces technologies pour identifier les risques, et notamment les risques d’atteinte aux droits humains. Grâce à l’apprentissage automatique, les modèles linguistiques peuvent apprendre à examiner et à extraire des informations à partir de données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) pour des régions ou des secteurs spécifiques. De cette façon, les spécialistes peuvent filtrer les informations, permettant aux banques de faire preuve plus rapidement de diligence raisonnable et de mieux comprendre les risques liés à leurs opérations, et en particulier aux chaînes de valeur. Les banques peuvent aider le secteur des technologies à produire des modèles d’IA responsables et respectueux des droits humains.

Elles peuvent également collaborer avec d’autres institutions financières pour développer des modèles transparents et efficaces à utiliser au niveau sectoriel. L’International Finance Corporation a ainsi développé un outil d’analyse des facteurs ESG aidée par l’IA qu’elle fournit gratuitement dans l’intérêt commun.

4. Quels efforts de collaboration entre les banques, les gouvernements et la société civile sont les plus efficaces pour promouvoir la protection des droits humains et le respect des normes éthiques dans le secteur financier ?

Pour protéger et faire respecter les droits humains, il est essentiel que les parties prenantes s’investissent tout au long du cycle de vie de chaque projet et veillent notamment à une bonne transparence et à rendre l'information accessible. Et cela s’applique à tous les niveaux : le promoteur d’un projet (public ou privé), les gouvernements, les entreprises, les institutions financières et les organisations issues de la société civile. Les parties prenantes sont mieux armées pour déceler et évaluer les risques et les impacts d’un projet lorsque l’information est facilement disponible, notamment dans le cadre de projets très complexes ayant des chaînes de valeur d’envergure mondiale.

Certaines nouveautés à l’échelle européenne, parmi lesquelles l’approbation des normes européennes de reporting en matière de durabilité l’année dernière et la nouvelle directive sur la diligence raisonnable des entreprises en matière de durabilité, devraient améliorer considérablement la pratique des banques et des entreprises. Les consommateurs et les investisseurs devraient être en mesure d’évaluer les effets des entreprises et des banques sur les droits humains lorsqu’ils choisissent leur banque, où investir ou où acheter des biens ou des services.

5 conseils utiles aux consommateurs pour faire des choix éclairés en accord avec les principes des droits humains :  

Personnellement, je formulerais ces cinq recommandations :

  1. Étudiez l’origine des biens que vous prévoyez d’acheter (par exemple, lorsque vous achetez un livre, l’éditeur peut se trouver dans un pays A et l’imprimerie dans un pays B).
  2. Recherchez des labels de qualité (commerce équitable, bio, produit non testé sur les animaux, etc.) et sachez quelles sont les normes d’utilisation (le label a-t-il du sens ?).
  3. Réfléchissez à l’impact d’un produit en fin de vie et demandez aux entreprises productrices comment leurs produits doivent être éliminés.
  4. Lisez les rapports sur le développement durable qui seront publiés en vertu des normes européennes de reporting en matière de durabilité, idéalement pour tous les produits et services de consommation courante, mais surtout lorsque vous investissez ou consommez à grande échelle.
  5. Ne sous-estimez jamais l’influence de nos décisions d’achat, car informer les clients de nos projets, événements et business models peut avoir un impact positif.

À propos du blog : 

 

Il devient urgent d’opérer une transition rapide vers une durabilité environnementale à l’échelle mondiale. Les entreprises et l'industrie ont d'énormes impacts sociaux et environnementaux. « Pourquoi est-ce important ? »  est un blog bimensuel qui vise à éclaircir ce sujet important à travers le regard de nos experts.


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Développement durable