Analyse economique Q4
Débutons sur une vérité qui n’a échappé à personne : l’inflation a résolument été le sujet phare de l’année qui vient de s’écouler. L’Europe et les États-Unis ont été frappés par des niveaux d’inflation frisant les 10%, ce que nous n’avions plus connu depuis plusieurs décennies.
Cette inflation a été nourrie par une crise énergétique de grande ampleur que la guerre en Ukraine a provoquée. Pourtant, cette inflation ne s’est pas limitée à l’énergie, et l’augmentation généralisée des prix a forcé les entreprises à répercuter leurs coûts sur les consommateurs. Fin 2021, l’inflation se limitait aux biens, puis elle s’est propagée à l’énergie, et progressivement aux services et aux salaires.
Face à l’inflation, les banques centrales ont dû se montrer agiles et ont adopté une posture très ferme en relevant rapidement leurs taux d’intérêts directeurs. Actuellement, les taux directeurs américains se situent dans la fourchette de 4,25-4,50% et les taux européens ont atteint 2,50%. Certes, une bonne partie de cette remontée des taux est probablement derrière nous, mais cela ne garantit en rien des baisses de taux à venir. Sur la deuxième partie de l’année, l’inflation a fort heureusement commencé à reculer, notamment aux États-Unis, alors que cela reste à confirmer en Europe.
Actuellement, l’inflation américaine se situe aux alentours de 6% et l’inflation européenne campe à 10 %. Les prévisions tablent sur une inflation qui continuerait de baisser en glissement annuel, mais encore loin de l’objectif de 2%. Pour le moment, c’est la partie « facile » de l’inflation qui est en train de fléchir. Or, la partie la plus rigide, à savoir les services, étroitement liés aux salaires, ne montrent pas de signe clair d’apaisement. La question reste de savoir dans quelle mesure les banques centrales pourront ramener l’inflation à des niveaux sains avec un minimum d’impact négatif sur l’économie.
En tout état de cause, la croissance s’est montrée résiliente en 2022, notamment grâce à une consommation que soutiennent un taux de chômage faible et une bonne progression des salaires.
Cette bonne résilience des salaires et du marché de l’emploi est un argument à double tranchant. Les banques centrales y voient le grand risque de continuer à nourrir les anticipations d’inflation. À en croire les prévisions de la Fed, le chômage devrait remonter d’au moins 1% sur 2023. Historiquement, cela est synonyme de récession.
En Europe, la douceur de l’hiver et une bonne diversification de l’approvisionnement en gaz ont permis d’éviter le pire de la crise énergétique. C’est pourquoi le momentum économique semble se stabiliser en ce début d’année. Cela dit, généralement, cycles de resserrement monétaire et grands ralentissements économiques, voire récessions, coïncident.
D’ordinaire, les décisions de politique monétaire tardent à impacter les variables macroéconomiques. D’ailleurs, on parle de délais « longs et variables » avant que les changements de taux directeurs ne touchent l’activité et l’inflation. Tout au long de l’année 2022, les banques centrales ont remonté leurs taux de manière très synchronisée à travers la planète. Si l’on suppose un délai d’un an, les premières hausses de taux de la première partie de l’année sont susceptibles de se répercuter sur les agrégats économiques dès les premiers mois de l’année 2023. Certes, la résilience de l’emploi, des salaires et de la consommation et le momentum positif sur la crise énergétique peuvent faire tenir l’activité un moment encore, mais les impacts des taux devraient se faire ressentir en 2023, et il ne faudrait pas sous-estimer l’aspect global de ces hausses de taux.
Toutefois, le monde émergent peut constituer un relais de croissance significatif cette année, leurs prévisions s’affichant à des niveaux bien meilleurs que celles des économies développées. Surtout, la réouverture de la Chine après une année de politiques de confinement contre le Covid-19, soutenue par une poussée du crédit, peut représenter un atout pour l’économie mondiale.
En somme, globalement, la croissance mondiale devrait s’inscrire à un niveau très modeste, surtout dans les pays développés ; l’inflation devrait rester élevée, mais à des niveaux moins problématiques que lors du pic de 2022.
Le changement de paradigme économique a inévitablement eu des impacts sur les marchés pour lesquels l’année s’est révélée hors de l’ordinaire.
La remontée très forte des taux à cause de l’inflation et du resserrement monétaire s’est répercutée sur les marchés obligataires et les marchés actions qui ont connu un re-pricing conséquent. Soulignons que ces deux classes d’actifs ont longtemps bénéficié des politiques monétaires clémentes et de programmes de rachats massifs. Ainsi, les valorisations avaient grimpé à des niveaux très élevés, ce que le resserrement monétaire est actuellement en train de corriger.
Dans ce régime d’inflation élevée, la diversification classique entre actions et obligations ne tient plus. Les deux classes ont perdu plus de 10% main dans la main, pour faire de 2022 une des pires années pour un portefeuille classique 60/40.
La diversification régionale n’a pas non plus été d’un grand soutien puisque les marchés américains, européens et chinois ont tous trois fléchi. Toutefois, un investisseur européen investi aux États-Unis a pu se protéger de la baisse des marchés américains en raison de la forte hausse du dollar face à l’ensemble des devises. Par ailleurs, ce sont surtout les marchés profitant de la hausse des prix des matières premières, ou les marchés avec une composition sectorielle défensive qui ont terminé l’année dans le vert.
En termes sectoriels, l’Énergie a été le grand gagnant de ce choc énergétique, sans oublier les secteurs les plus défensifs tels que la Santé, la Consommation de base et les Services aux Collectivités, lesquels figurent parmi les meilleurs performeurs.
Grâce à une croissance économique et une consommation qui ont bien tenu en 2022, les résultats d’entreprises ont encore affiché une belle résilience, et les marges ne s’en sont pas retrouvées affectées outre mesure car les entreprises ont pu répercuter leurs coûts sur le consommateur. En revanche, l’activité fléchissant et le chômage s’inscrivant éventuellement en augmentation, beaucoup d’incertitudes se posent pour les résultats d’entreprises en 2023. Alors que le consensus des analystes voit encore une croissance des résultats positive, il faut mentionner que certains modèles « top-down » affichent une baisse notable. Notons que les résultats d’entreprises ont très rapidement progressé dans cette phase de reprise post-Covid. Par exemple, pour les entreprises du S&P 500, ils ont progressé de 50% en 2021, de 7% en 2022 et sont actuellement bien au-dessus de leur tendance de long terme. Une normalisation à ce niveau, au vu du contexte économique, ne serait pas une surprise.
Disclaimer
Les informations et opinions contenues dans le présent document se dégagent de sources d’informations fiables. La Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat, Luxembourg (Spuerkeess) ne peut cependant pas garantir leur exactitude, exhaustivité ou pertinence. Les informations et les opinions contenues dans le présent document sont fournies à titre purement informatif aux clients de la Spuerkeess et ne constituent ni une offre d’achat ou de vente, ni des recommandations d’investissement, ni un conseil en investissement, voire un quelconque engagement de la Spuerkeess. Chaque client est tenu de se forger sa propre opinion sur les informations contenues dans le présent document et pour ce faire, il lui est loisible de contacter son conseiller habituel pour toute question en matière d’investissements. Les informations et opinions ne sauraient en aucun cas servir à une évaluation des instruments financiers éventuellement mentionnés dans le présent document. Toute référence à des performances passées ne saurait constituer une indication quant aux performances à venir. Le contenu du présent document reflète les opinions de la Spuerkeess au jour de la publication dudit document. Toute information ou opinion contenues dans le présent document peut être supprimée ou modifiée à tout moment par une nouvelle publication. La Spuerkeess décline toute responsabilité au titre de ce document s’il a été altéré, déformé ou falsifié notamment par le biais de l’utilisation d’Internet. En outre, la Spuerkeess ne pourra être tenue responsable des conséquences pouvant résulter de l’utilisation d’une quelconque opinion ou information contenue dans le présent document. En tant qu’établissement de crédit de droit luxembourgeois, la Spuerkeess est soumise au contrôle prudentiel de la Commission de Surveillance du Secteur Financier. Le présent document a été élaboré par le Service Banque Privée et BCEE Asset Management. Le présent document ne peut être ni reproduit, ni communiqué à une tierce personne sans autorisation préalable écrite de la Spuerkeess. Sauf indication contraire dans le présent document, il n’est pas prévu de le mettre à jour.